Le Fonds de Dotation Transatlantique donne la parole à des philanthropes engagés dans le cadre des Grands entretiens de la philanthropie. Aujourd'hui, Hélène Médigue, fondatrice de l’association Les Maisons de Vincent, partage avec nous ses engagements en faveur de l’autisme et de l’environnement.

Pourriez-vous nous présenter les origines et les motivations de vos engagements philanthropiques et associatifs, et nous raconter les origines du projet des Maisons de Vincent ?

Les Maisons de Vincent sont le fruit de mon histoire personnelle, ayant moi-même un frère aîné autiste dont la spécificité a construit mon identité. J’ai en effet grandi en me confrontant à la fois à son regard particulier sur le monde et à une société inadaptée à sa différence. Bien que le nombre de diagnostics d’autisme ait été multiplié par trente en France depuis 40 ans, il n’existe toujours ni solution pour scolariser les enfants autistes - 50 000 d’entre eux ne le sont tout simplement pas -, ni lieux adaptés pour les accueillir - 80% des autistes adultes sont ainsi placés en hôpital psychiatrique -. Pourtant, quel que soit le degré d’autisme, la stimulation est essentielle pour permettre aux personnes souffrant de TSA de s’épanouir, de développer leur potentiel et de s’intégrer à la société. J’ai donc toujours été obnubilée par l’idée d’un lieu adapté à mon frère, et à toute autre personne autiste, qui se substituerait au placement dans un foyer pour handicapés où l’environnement est défavorable à l’épanouissement.

La création de lien social est l’une des priorités de la transition écologique. À cet égard, quels sont les bienfaits du partage des savoirs et savoir-faire de l’agro-écologie avec des personnes fragiles ?

Lorsque le projet des Maisons de Vincent s’est concrétisé en mon esprit, j’ai tout de suite souhaité l’associer à l’écologie. Cette mise en relation résulte de ma propre sensibilité, à la fois aux enjeux environnementaux, car j’ai pu constater les conséquences néfastes des perturbateurs endocriniens dans mon entourage, et aux évolutions de notre société. J’ai fondamentalement le sentiment que notre conscience écologique ne progresse pas au rythme de la science : bien que nous ayons épuisé les ressources de notre planète, nous persévérons dans un modèle de production et de consommation destructeur. Par conséquent, accueillir des personnes différentes dans des lieux adaptés et chaleureux et leur permettre de servir l’intérêt général en étant acteur de la transition écologique me paraît être la meilleure réponse à apporter à la double urgence de la prise en charge de l’autisme et de la crise environnementale. En outre, les autistes ont un lien très subtil à la nature et aux nouvelles techniques de connaissance du sol comme l’agro-écologie. L’histoire de mon frère qui fut un temps un pépiniériste très engagé et avec de beaux résultats l’illustre bien, et l’enrichissement est réciproque dans la mesure où l’activité manuelle peut avoir de véritables effets thérapeutiques sur les personnes autistes.

Votre association Les Maisons de Vincent est portée par de nombreuses personnalités publiques, envisagez-vous votre visibilité commune comme une opportunité pour sensibiliser à cette cause ?

Je n’ai pas pensé ce projet en termes de communication, mais je crois beaucoup au rassemblement des talents pour inventer le monde de demain. J’ai fait le vœu de développer Les Maisons de Vincent compte-tenu de l’immense besoin en lieux adaptés aux personnes autistes et, pour y parvenir, il est essentiel de ne pas opposer le social, l’écologie et l’économie. La réunion d’univers socio-professionnels différents est mutuellement enrichissante, raison pour laquelle je me suis entourée de scientifiques, un spécialiste de l’autisme et une chercheuse en agronomie de l’INRA, mais aussi de l’historien Xavier Matthias, figure emblématique de l’agro-écologie, pour lesquels renouer avec le vivant redonne du sens à nos actions. Il ne s’agit pas de revenir aux pratiques de temps anciens car, en l’état actuel de la science, nous disposons d’une connaissance plus approfondie des sols et nous sommes en mesure de développer des techniques naturelles efficaces pour les cultiver. Notre société est actuellement confrontée aux limites de son modèle économique et je suis convaincue que la construction d’un nouveau modèle se fera grâce à tous les savoirs, y compris ceux des financiers en lesquels j’ai totalement confiance car notre humanité commune nous sensibilise tous à l’importance de la philanthropie.

Repères biographiques

Hélène Médigue, actrice, met en lumière la différence des personnes autistes dès 2012 dans un court-métrage intitulé « C’est pas de chance quoi ! ». Favorable à une agriculture plus respectueuse du vivant, elle a également réalisé le documentaire « On a 20 ans pour changer le monde » sorti en 2018. À la croisée de ces deux engagements, elle fonde en 2019 l’association Les Maisons de Vincent – parrainée par Nicolas Hulot - pour mieux accompagner des personnes en situation de handicap, tout en produisant une alimentation plus saine.

 

Les Maisons de Vincent

Les Maisons de Vincent soutiennent une digne insertion des adultes autistes dans la société grâce à des lieux d’accueil adaptés et à la pratique de l’agro-écologie. Ces lieux à taille humaine, apaisants et stimulants, accueilleront 7 à 8 adultes autonomes, et se déploieront autour de fermes existantes en agro-écologie ou d’épiceries spécialement créées en ville. Gérée par un couple d’hôtes, qui assurera, avec l’aide d’éducateurs spécialisés, un accompagnement bienveillant en continu, chaque Maison offrira à ses résidents des studios indépendants et des espaces communs pour faciliter un lien social aux vertus thérapeutiques. La première Maison accueillera ses résidents à Mers-les-Bains à partir de 2020.

 

Pour en savoir davantage sur le documentaire « On a vingt ans pour changer le monde » :

  • Une présentation par l’association Fermes d’avenir au cœur du film
  • Un article paru sur le blog du journal Le Monde le 10 avril 2018