Depuis plus de 130 ans, Roche n’a cessé de démontrer de vrais succès dans sa recherche.

Le laboratoire pharmaceutique aurait pu continuer à faire cavalier seul mais identifiant la pertinence de la biotechnologie, la société a décidé de s’associer à Genentech.

Croissance externe

En 1888, Friedrich Nietzsche écrivait « la vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée, d’accumulation de force, de puissance » : l’analogie peut s’appliquer au secteur de la santé qui est constamment à la recherche de croissance et d’innovation. Les entreprises pharmaceutiques ont souvent recours à de la croissance externe, pas toujours avec le même succès. Elles se doivent d’être opportunistes et d’appréhender ces biotechnologies innovantes, plus habiles, qui peuvent éventuellement révolutionner le traitement d’une maladie.

L’acquisition de Genentech par Roche

Parmi les succès les plus emblématiques, on peut citer l’acquisition en deux temps de Genentech par Roche à un prix qui paraissait exorbitant à l’époque. Roche avait acquis 55% du capital de cette société californienne en 1990, son pari a été de racheter les 45% restants pour 43 milliards de dollars en 2009, soit un multiple d’environ 10x le chiffre d’affaires, et le tout en pleine crise financière mondiale. Cette société californienne, fondée en 1976 par un investisseur et un biochimiste, a été pionnière de l’industrie des biotechnologies avec ses protéines recombinantes1 à grande échelle.



Depuis le début des années 90, Roche a toujours choisi de laisser à Genentech son autonomie, ce qui permit à cette dernière de sortir trois blockbusters d’affilée : l’Avastin, le Rituxan/Mabthera et l’Herceptin qui ont généré chacun jusqu’à 7mds de francs suisses de chiffre d’affaires, respectivement dans les traitements du cancer du poumon, des lymphomes et du cancer du sein.

Le groupe suisse, contrôlé par la famille Hoffmann à travers un pacte d’actionnaires et un conseil d’administration réputé conservateur, deviendra, grâce à cette acquisition, le numéro un mondial dans l’oncologie quelques années plus tard. Pari risqué donc, mais payant, qui confortera l’entreprise dans le développement de sa franchise de médicaments biologiques dans le traitement du cancer. Le Perjeta, développé par Genentech, par exemple, a été approuvé en 2013 en combinaison avec le Herceptin dans le traitement du cancer du sein HER2+ et a cumulé plus de 4,3 milliards CHF de chiffre d’affaires en 2021.



Roche répéta ce modus operandi de croissance externe avec le japonais Chugai Pharmaceuticals, fondé en 1925, entré dans le groupe dès 2002 et détenu à 62% par le laboratoire suisse. A chaque fois, la société mère bâloise est à l’affut des innovations de rupture et maintient les différents centres de recherche pour pouvoir les mettre en concurrence : par exemple, les équipes au Japon, en Californie et en Suisse sont toutes en recherche sur un traitement de l’Alzheimer. Roche eut une nouvelle fois de l’intuition : Chugai mettra au point l’Actemra et le Tecentriq qui cumulaient chacun plus de 3 milliards de francs suisses de chiffre d’affaires en 2021 dans le traitement de la polyarthrite pour le premier, dans plusieurs cancers dont celui du poumon pour le second, ainsi que le Kadcyla avec environ 2mds de chiffre d’affaires dans le traitement du cancer du sein métastatique sur la même année. En 2022, le chiffre d’affaires de Chugai Pharmaceuticals devrait dépasser les 8 milliards de dollars, soit une progression d’environ 100% par rapport à 2018.

Comment renforcer sa position de leader grâce à la croissance externe ?

Les groupes pharmaceutiques engagent d’importants budgets de recherche & développement pour trouver des brevets, gages de la croissance et de la rentabilité future. Néanmoins, même un grand laboratoire comme Roche, datant de plus de 120 ans, qui a longtemps favorisé le développement de nouveaux médicaments en interne, a réussi l’exercice particulièrement difficile consistant à se remettre en cause et à prendre le virage de la biotechnologie. Il s’est ainsi appuyé sur la croissance externe pour renforcer sa position de leader.

Lorsqu’ils en font le pari, les grands groupes entament ainsi des collaborations, partenariats et acquisitions, qui sont devenus de puissants moteurs de croissance et leur permettent d’optimiser ces dépenses en recherche & développement. Même si ces leviers sont de véritables défis, puisqu’ils se concluent généralement à des prix très élevés, ils permettent de diversifier le portefeuille des grands laboratoires et contribuent à l’accélération du rythme d’innovation du secteur de la santé.



En France, le taux de survie au cancer du poumon a doublé entre 1990 et 20182. Lorsque la promesse technologique est au rendez-vous, ces opérations sont « gagnant-gagnant » et souvent très rentables. Le groupe pharmaceutique apporte son savoir-faire, sa capacité financière et opérationnelle à mener des essais cliniques d’envergure pour des médicaments biologiques toujours plus complexes, ainsi que son réseau de distribution, ce qui permet à la société de biotechnologie acquise de développer sa molécule prometteuse dans les meilleures conditions.

Achevé de rédiger le 28/10/2022 par Maxime Sultan, gérant de fonds au sein de Dubly Transatlantique Gestion.

1L’ADN recombinant est une molécule créée en laboratoire et qui vise à créer des séquences qui n'existent pas dans les organismes vivants. Genentech inventa une technique qui permet le transfert de gènes d'un organisme à un autre. À l'aide de cette invention, il est désormais possible de produire des protéines recombinantes à grande échelle. Aujourd'hui, cette technique de clonage est combinée à d'autres techniques mises au point par Genentech en vue de produire des médicaments de très haute technologie.

2Source : République Française, e-cancer, survie nette à 5 ans standardisée Le site d'e-cancer.fr