#HORIZONMARCHÉS

Relocalisation, inflation, taux d'intérêt...: est‑ce la fin de la « mondialisation heureuse » ?

Depuis les années 80, la mondialisation a été un eldorado économique.
Mais les crises récentes ont montré l’extrême fragilité de nos économies.
Quelles sont les conséquences pour l’actionnaire ?

Retrouvez votre rendez-vous financier avec Sarah Jakubowicz, gérante d’actifs au sein de Dubly Transatlantique Gestion.

Transcription de la vidéo

Horizon marchés : est-ce la fin de la « mondialisation heureuse » ?

Interview de Sarah Jakubowicz, gérante d’actifs au sein de Dubly Transatlantique Gestion.

La mondialisation a-t-elle favorisé la progression de bénéfices des entreprises ?

Depuis les années 80’, « la mondialisation heureuse » a été un eldorado économique. La délocalisation de la production a permis aux grands groupes mondiaux de doper leur rentabilité et aux consommateurs des pays développés d’avoir accès à des biens à des prix toujours plus bas. Ce qui a d’ailleurs été un facteur majeur de désinflation, de la baisse des taux d’intérêt et ainsi de l’augmentation du pouvoir d’achat.

Se pose alors la question du partage de la valeur ajoutée. Cette dernière détermine la répartition des fruits de la production économique entre le capital, le travail et les revenus prélevés par l’État.

Cette récente période de mondialisation a permis de modifier la répartition de la valeur ajoutée en faveur des actionnaires et ainsi vu le rendement de leurs capitaux investis progresser.

La mondialisation a-t-elle trouvé ses limites ?

Ces années fastes ont amené avec elles une certaine fragilité. Des facteurs négatifs sont venus réduire la voilure notamment la montée des coûts salariaux dans les pays producteurs, l’augmentation du coût des transports et de la logistique, les règles environnementales imposées pour tous et qui nécessitent de lourds investissements. L’avantage concurrentiel apporté par ces délocalisations vient lui aussi se tarir.

Les crises récentes ont-t-elles amené à une prise de conscience ?

La crise du COVID a mis en évidence que plus de 70% des médicaments étaient produits en Asie du Sud-Est, alimentant une certaine pénurie comme celle du Doliprane. De la même manière, les capacités de production des composants électroniques sont situées à 75% en Asie du Sud-Est. La pénurie actuelle sur les semis conducteurs est une conséquence de la pandémie qui a renforcé la digitalisation des entreprises faisant émerger une demande accrue de semi-conducteurs. Cette crise a donc provoqué des modifications des modes de consommation en faveur des biens notamment numériques.

La crise Ukrainienne quant à elle a montré une dépendance importante de l’Europe aux matières premières, au pétrole, et au gaz russe qui représente 40% de la consommation européenne d’énergie.

Nous avons constaté avec le Covid, en France, en Chine et la guerre en Ukraine, l’extrême fragilité de nos économies.

Quelles vont être les orientations à long terme ?

Il est aujourd’hui certain que la tendance en place depuis 40 ans va s’inverser. Les productions seront rapatriées, les coûts vont augmenter, l’inflation va revenir, les taux d’intérêt vont monter et la transition énergétique va avoir une place de plus en plus importante. C’est la fin de la mondialisation heureuse.

Les États unis se replient sur eux même et l’union européenne se renforce. Le repositionnement d’usine de fabrication de médicaments, de semi-conducteurs, de pièces détachées pour l’aéronautique ou l’automobile devient une nécessité et dans un certain nombre de secteurs une relocalisation a déjà commencé. C’est le cas notamment de la production de composants électroniques aux États-Unis.

Quelles sont les conséquences pour l’actionnaire ?

Dans ce contexte, le partage de la valeur ajoutée qui s’était faite ces dernières années en faveur du capital, va devenir moins réjouissant pour l’actionnaire.

Pour venir compenser cette perte, il est aujourd’hui primordial d’orienter ses investissements vers :

  • des sociétés avec un fort pricing power ainsi capable d’augmenter leurs prix et maintenir leurs marges et,
  • dans des sociétés capables de faire des gains de productivité grâce à un budget important alloué à la recherche et à la formation. Nous pensons notamment aux GAFAM (par exemple Apple qui investit 20mds$/an en R&D) ou encore aux grands laboratoires pharmaceutiques qui investissent en moyenne 15% de leur chiffre d’affaires dans la R&D.

Le secteur des matières premières, de la distribution, des GAFAM, de la santé, de l’économie d’énergie, de l’éducation ou encore de la formation devraient donc échapper aux méfaits de cet inversement de tendance.

À très bientôt pour un nouveau point #HorizonMarchés.