Un pont vers de nouveaux horizons.
Avec de l’autre côté du pont, la Banque Transatlantique donne carte blanche à des personnalités inspirantes qui racontent leur parcours et leurs projets dans une série de billets.
Aujourd’hui l’Amiral Loïc Finaz, directeur de l’École de Guerre, nous parle de la mer et de son engagement pour la préserver.

Sans elle, point de sécurité alimentaire, sans elle, peu d'espoir pour assurer nos besoins en énergie, sans elle, le réchauffement climatique va galoper... La mer. La mer que la terre doit plus que jamais chérir et protéger.

De l'autre côté du pont ? Il y a la mer. Parce qu'elle est immense, parce que je m'y sens bien, parce qu'elle est lieu de poésie et de spiritualité. Mais aussi et surtout, parce que l'humanité y tient son avenir. Permettez-moi de rappeler quelques fondamentaux. Les océans recouvrent près des trois quarts de notre planète terre que l'on aurait d'ailleurs peut-être dû baptiser mer. Ils en sont le poumon puisqu'ils produisent 50% de son oxygène. Mieux, ils sont les seuls à pouvoir répondre aux trois défis majeurs qui se profilent : comment nourrir les dix milliards d'habitants annoncés pour 2050 ? ; comment les besoins en eau douce desdits habitants pourront-ils être satisfaits ? ; enfin, comment produira-t-on l'énergie nécessaire pour répondre aux deux questions susdites ?

Une ressource qu'il ne faudra pas violer comme on l'a fait pour la terre. Il n'empêche : il faut agir vite et sans hésitations.

Le défi est aussi immense qu'urgent. Même si les conséquences majeures de la dérive climatique ne sont pas encore réellement ressenties, c'est maintenant qu'il faut agir. Mais attention. Si la mer est une ressource extraordinaire, il ne faudra pas la violer comme on l'a fait pour la terre. À cet égard, il est des combats qu'il faut mener sans attendre et sans pitié. En s'attaquant par exemple au fléau des micro particules de plastique qui aspirent des bactéries pathogènes et les transportent vers des lieux où l'on ne sait pas les combattre. Un poison lent mais dévastateur pour la chaine alimentaire. Même chose pour la biodiversité marine menacée, par exemple, par la dégradation accélérée des coraux.

N'est-il pas plus urgent d'explorer nos fonds marins, pour la plupart inconnus, que de dépenser des fortunes dans la conquête incertaine de Mars ?

Et pourtant. De cette biodiversité, dont on connait tout au plus 10% de la richesse, nous pouvons tant espérer ! C'est en effet avec elle que pourraient se préparer, entre autres, notre alimentation et nos médicaments de demain. Et que dire des fonds marins ? Seuls 10% sont connus alors que, une fois encore, ils constituent un potentiel de ressources majeurs. Il y a là un travail d'exploration tout de même plus prometteur que celui, fort coûteux, mené pour préparer des voyages sur Mars dont il n'y a pas grand-chose à attendre, en tout cas rien d'essentiel pour l'humanité... Bien sûr, pour espérer franchir ce pont sans trop d'encombres, il faudra apprendre à écouter les hommes de science, même si la matière étant de plus complexe on ne les comprendra pas forcément, se préparer à une montée des eaux en espérant en retarder l'échéance, mais aussi inventer une gouvernance de la mer qui permette à tout le monde d'y trouver son compte. Pas facile. Mais à nouveau, cette sacrée mer a des richesses, beaucoup moins connues, susceptibles d'aider à mener à bien cette tâche qui sera avant tout une affaire d'hommes.

L'esprit d'équipage qui habite les gens de la mer est un formidable modèle pour les terriens qui veulent mener à bien leurs missions.

La vie m'a enseigné qu'il existait chez les marins ce que j'appelle un esprit d'équipage, construit sur un certain nombre de valeurs quasi-philosophiques, sur des vertus fort inspirantes pour les terriens. Ainsi, les premières qualités que se forgent les gens de mer grâce à la vie commune à bord sont l'autonomie et la solidarité. L'une ne va pas sans l'autre. Tout manager, tout leader doit s'inspirer de tels diptyques, faute de quoi il court à l'échec. Ainsi, pas d'exigence possible sans bienveillance, pas de hiérarchie efficiente sans participation organisée, pas d'intelligence qui vaille sans courage, pas plus d'énergie constructive sans culture, c'est-à-dire sans vision réfléchie, sans ligne de foi comme disent les marins. J'avais huit ans quand j'ai barré mon premier Optimist. J'ai tout de suite réalisé que je me sentais bien sur la mer. Mais je ne suis pas sûr d'avoir réalisé tout ce qu'elle me donnerait. Ni tout ce qu'elle pouvait apporter au monde.