Un pont vers de nouveaux horizons.

Aujourd’hui Bruno Julien-Laferrière, président de la Banque Transatlantique nous expose sa vision sur le management par subsidiarité.

« Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends »
(Nelson Mandela)

Nous ne savons pas encore quand nous sortirons de la crise sanitaire. Mais il est déjà une certitude : elle laissera des traces profondes dans le mode de fonctionnement des entreprises. Et au final, cette crise m’a conforté dans l'une de mes intimes convictions : le management par subsidiarité est plus que jamais un atout majeur pour l'entreprise.

La crise sanitaire aura eu au moins une vertu, celle de nous obliger à nous interroger sur notre façon de travailler, de diriger, de vivre l'entreprise. Dans sa brutalité, ce choc nous incite à repenser nos modes de management, et plus largement à enrichir le lien intime que nous nouons avec l'autre. Il s'agit plus que jamais de faire confiance à la confiance.

Dès le début de la pandémie, tout dirigeant a été placé en face de deux options : décider au sommet la façon d’organiser la continuation de l’activité ou déléguer la décision au niveau le plus bas possible du management.

Si l'on croit en ses managers, en leur capacité d’assumer les conséquences de leurs décisions, si l'on reconnaît que, connaissant leurs équipes mieux que l'état-major, ils feront des choix plus pertinents, moins arbitraires, il fallait choisir sans hésitation la deuxième solution.

Qui, en effet, est mieux placé que le chef ou la cheffe d’équipe pour faire le bon choix ? Qui connaît mieux le temps de trajet de l’un, les contraintes de gardes d’enfants de l’autre, l’angoisse de la solitude du troisième, que le manager proche de ses collaborateurs ? Qui mieux que lui sait qu’une ou deux personnes peuvent suffire en « présentiel » pour assurer telle fonction ?
Les membres du Comité de Direction de la Banque Transatlantique, qui ont fait ce choix de la confiance, ont pu jouer le rôle crucial que l’on attendait d’eux dans cette période difficile et si particulière : rassurer, conseiller, orienter, encourager, remercier.
Mais en aucun cas « remplacer ».

Le management par subsidiarité est une manière de faire progresser le savoir, de responsabiliser et de motiver dans la durée

On touche là à l'essence même du management par subsidiarité qui, rappelons-le, consiste à confier la responsabilité d’une décision au niveau directement concerné par les effets de ladite décision. Un concept bien différent de la simple délégation qui se limite au transfert par un manager d'une partie de ses responsabilités dans un cadre précis. La subsidiarité sera plus, pour utiliser une terminologie à la mode, « bottom up » et la délégation « top down ».

Dans sa mise en œuvre idéale, la subsidiarité voudrait que le décideur ne fasse appel à son manager que s’il a besoin de lui, de son expertise, de son avis. Plus largement, elle responsabilise et fait grandir, car elle oblige ledit décideur à assumer les conséquences de ses propres décisions. C’est en cela aussi qu’elle est vertueuse : elle apprend, motive, fait progresser ; elle permet de mieux tirer des enseignements de ses propres erreurs. Nelson Mandela a fort bien résumé cette réalité : « Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends ».

Se substituer à un collaborateur pour une tâche que celui-ci aurait pu faire est au mieux un échec, au pire une faute. Cela déresponsabilise, démotive, voire blesse.

Permettez-moi une comparaison avec le monde du « non profit ». Le président d’une ONG internationale me disait « Je ne cherche pas des bénévoles européens, puissent-ils être des jeunes plein de volonté, pour reconstruire des maisons détruites par un tremblement de terre, mais que les populations locales peuvent et veulent reconstruire elles-mêmes. Je leur volerais leur fierté voire leur savoir-faire. Je préfère des fonds pour financer les matériaux de reconstruction ».

J’ai beaucoup compris ce jour-là. J’ai compris qu’il ne fallait pas se substituer à quelqu’un qui sait faire et est plus concerné que vous-même par le but à atteindre.

Faire confiance pour faire grandir la confiance et ainsi pour grandir par la confiance

Dans le même esprit, il est aussi indispensable de s'interroger sur la question du partage au sein de l'entreprise. Prenons l'exemple de l’information. Je suis toujours surpris de voir combien certains managers la conservent pour eux. Comme si détenir une information venue d’en haut leur conférait une aura, une sorte de « graal de la confidence ». Et pourtant : une telle rétention n’est que la traduction d’un manque de confiance facilement décelé par leurs propres collaborateurs.

Plus encore, je pense que chacun doit réfléchir non pas tant à ce qu’il fait, mais à ce qu’il pourrait « faire faire ». Non par volonté de déléguer ce qui lui semblerait indigne. Loin de moi cette idée, étant convaincu qu’il n’y a pas de tâche indigne. Mais parce que, précisément, c’est rendre sa dignité à son collaborateur ou à sa collaboratrice que l’aider et l’encourager à se surpasser, en faisant preuve d'esprit de décision. En quelque sorte, faire confiance pour faire grandir la confiance et ainsi faire grandir par la confiance.

S'affranchir de l'inutile et rechercher la simplicité

La subsidiarité est aussi un précieux compagnon de route dans la marche vers un objectif à mes yeux essentiel : la simplification. On parle à juste titre de la pertinence des circuits courts en matière de distribution. Il s'agit là de faire se rejoindre le bon sens et l’intérêt général. Mais si, par association sémantique, les circuits courts devaient s’appliquer aussi en matière décisionnelle dans une organisation ? Qui n’a jamais ricané d’une « armée mexicaine » ? Bien sûr chez l’autre, jamais chez soi.... Convenons-en : une décision qui doit être avalisée par une noria de décisionnaires en mille-feuilles a peu de chance d’être suivie d’une mise en application optimale et dans des délais raisonnables.

Le sculpteur François Pompon, qui simplifiait avec génie ses modèles animaliers, écrivait : « C’est compliqué de faire simple ! ». Alors réfléchissons inlassablement pour savoir ce que nous pouvons simplifier, souvent en commençant par s’affranchir de l’inutile.

Et encore une fois, faisons confiance !