La génération de Chinois nés entre 1990 et 2009 semble bien éloignée de celle de leurs parents.
Ces 330 millions d’individus (appelés génération Z) sont très connectés, puisqu’ils passent plus de 6h par jour sur Internet, sont urbains (aujourd’hui la population chinoise vit à 59% dans les villes contre 44% en 2006), et sont avides d’objets de luxe, voyages et loisirs.
Mais comment financent-ils ce train de vie ? Avec quels risques pour l’économie et pour les banques ?

Génération Z

Loin de la génération précédente qui épargnait pour offrir à leur enfant unique un avenir et subvenir aux besoins de leurs parents en fin de vie, la devise de cette nouvelle génération est « Nous voulons profiter. L’argent est fait pour être dépensé ».
Nombreux sont ces trentenaires qui, sur leurs cinq premières années de travail, dépensent plus que leurs revenus en loisirs, biens de luxe et voyages. À l’image de Liu Biting, 25 ans, qui dépense 1/3 de son revenu dans le loyer et le reste en produits de luxe, restaurants, abonnement pour la location de vêtements tendance ou encore l’achat de crèmes conseillées sur le n°1 du réseau social, WeChat.
En effet, ces trentenaires représentent 1/3 des touristes chinois, 1/4 des acheteurs de voitures, un chiffre estimé à 60% pour 2025 ou encore 50% des 30,8 Mrds $ d’achats réalisés sur le site internet Alibaba, lors du « Single Days ».

Comment financer ce train de vie ? À crédit

Le montant moyen des dépenses de consommation, loisirs et voyages des 21/30 ans est aujourd’hui estimé à 8 820 $1, soit 40% supérieur à leurs capacités financières qui sont estimées à 6 360 $.
Après l’explosion des prêts à la consommation entre particuliers, c’est le crédit à la consommation des établissements privés sur internet qui a pris le relais. À l’image du leader du crédit revolving Huabei (i.e. signifie « dépense »), filiale d’Alibaba, qui propose sur les principaux sites internet marchands, Alibaba, Taobao, Tmall et le réseau social Wechat, une carte de crédit virtuelle offrant un délai de paiement de 30 jours gratuits et facturant tous délais supplémentaires.
Aujourd’hui, 50% des prêts à la consommation sont faits par cette génération de trentenaires qui paient en moyenne un taux de crédit à 16%.

Le ménage chinois s’endette, tandis que le ménage américain épargne

La dette moyenne d’un ménage chinois est donc passée de 42% de son revenu disponible en 2008 à 117% aujourd’hui. Elle est bien supérieure à l’endettement moyen du ménage américain qui est à 100% de ses revenus aujourd’hui contre 135% en 2007.
Echaudé par la crise de 2008, le ménage américain s’est fortement désendetté sur ces 10 dernières années.

Un mouvement amplifié par la hausse du prix des loyers

Sur les cinq dernières années, le loyer des villes tier one a augmenté de plus de 20%/an, à l’image de Pékin et de Chengdu, la capitale de la province du Sichuan qui ont vu leurs loyers augmenter de plus de 30% ces deux dernières années. Les raisons principales :

  1. une urbanisation des populations,
  2. une flambée des prix de l’immobilier poussée par l’investissement spéculatif qui est, aujourd’hui, contrôlé dans ces grandes villes

Actuellement, les résidents de Pékin dépensent en moyenne 58% de leurs revenus disponibles dans leurs loyers. Cette tendance risque de s’accélérer puisque le rapport entre le loyer payé et le prix du bien est de 1/800, à savoir qu’il faut 800 mois, soit 70 ans de location pour payer son logement, contre 20 ans si on habite aux États-Unis.

Enfin la virtualisation du paiement facilite l’acte d’achat

Le cash, comme moyen de paiement, est considéré comme mort en Chine. Il représentait 61% des paiements en 2010 et ne dépasse pas 30% de nos jours.

Contrairement aux pays occidentaux, les chinois ont basculé du paiement en espèces au mobile, sans passer par la carte bancaire. Le volume des transactions par mobiles, pour des achats en ligne et en magasin, s’est envolé en cinq ans, passant de 183 milliards de dollars en 2013 à 37 000 milliards de dollars en 2018.

Aujourd’hui, ce sont plus de 450 millions de Chinois qui utilisent ce moyen de paiement et 45% de ces adeptes du portefeuille électronique déclarent ne plus avoir de cash sur eux.

Dans les grandes villes chinoises, toutes les transactions, du petit commerce de rue au grand magasin et même les fameuses « hongbao » (les enveloppes rouges qui contiennent les étrennes pour le nouvel an) se font par mobile. À tel point que certains commerces n’acceptent plus que le mobile comme moyen de paiement.

Côté américain, on est bien loin de ces chiffres, puisque le paiement sur mobiles ne représente que 2% des paiements et celui par carte de crédit/débit encore 58% de ceux-ci.
Avec en moyenne 4 cartes de crédit/débit par américain, le consommateur reste très attaché à ce mode de paiement qui est souvent associé à un système de cash back, offrant à l’utilisateur une ristourne de 2 à 7% à utiliser sur les sites partenaires ou créditée directement sur son compte.

Nous assistons à une nouvelle génération de consommateurs chinois, très connectés, urbains et recherchant les voyages et le luxe aux dépens de l’achat d’un bien immobilier qui devient impossible, pour de nombreux chinois, compte tenu de la hausse des prix.

Ainsi, à défaut d’acheter un appartement en s’endettant sur plusieurs générations, la nouvelle génération « cherche à enrichir son esprit, et profiter de la vie » en s’endettant pour assouvir ses nouveaux besoins.

Ne risque-t-on pas, à l’image de ce qu’il s’est passé aux États-Unis lors de la crise des subprimes, de tomber dans une crise de l’endettement avec cette jeune génération qui n’arrivera pas à faire face à ses échéances de paiements, en cas de ralentissement de l’activité économique, mettant ainsi en péril les banques ?

L’ancienne génération pourra toujours subvenir à cette jeune génération mais cela se fera aux dépens de ses dépenses de santé et confort de vie, pour ses vieux jours.

1Chiffres du cabinet de consulting Oliver Wyman