Si l’essor de l’e-commerce au niveau mondial est indéniable, il existe pourtant toujours des variations entre sa mise en place dans les pays développés et dans les pays émergents, avec différentes habitudes de consommation et des spécificités culturelles qui entrent en jeu.
Les États-Unis et la Chine illustrent cette dichotomie : si le modèle américain est répandu dans les pays occidentaux, le modèle chinois se démarque.

La Chine compte actuellement 21% des utilisateurs mondiaux d’Internet, contre 8% seulement pour les États-Unis. La pénétration de l’e-commerce en Chine a dépassé celle aux États-Unis en 2014, et l’écart se creuse depuis : la Chine est, aujourd’hui, le plus grand marché de ventes en ligne, avec 1500 Mds$ de ventes en 2018, soit trois fois le e-commerce américain. La prévalence du digital atteignait 31% sur les ventes de détail.
Pourtant, seulement 59% de la population chinoise avait accès à Internet en 2018, contre 85% aux États-Unis. La Chine continue son rattrapage grâce à de meilleures infrastructures, une baisse des coûts d’utilisation du réseau et la liaison au réseau des villes les moins développées de Chine intérieure.

Une société chinoise plus digitalisée que la société américaine

Le temps passé sur Internet ne cesse d’augmenter, atteignant près de 6h/jour en 2019 : un temps d’attention précieux à disposition des applications et plateformes e-commerce.
Le m-commerce (e-commerce sur téléphone mobile) y est très répandu : 98% des internautes se connectent sur leur téléphone portable. En comparaison, seulement 80% des utilisateurs se connectent sur leur mobile aux États-Unis. Les 3/4 des internautes chinois ont entre 10 et 40 ans, ce qui peut expliquer la forte pénétration de l’e-commerce : 74% d’entre eux effectuaient des achats en ligne en 2018.

La digitalisation rejaillit sur les habitudes de consommation

Les frontières entre la consommation en ligne et en magasins physiques sont porteuses en Chine. Le consommateur chinois ne se déplace plus pour acheter des biens de consommation classiques. Les achats en ligne de services hors ligne sont également plus importants : les commandes de repas en ligne sont, par exemple, 20% supérieures en Chine par rapport aux États-Unis.
Par ailleurs, le maillage du territoire en termes de magasins est bien plus limité en Chine : les espaces de distribution physiques représentent seulement 1/10ème de ceux du territoire américain. L’e-commerce représente donc une alternative nécessaire, notamment dans les villes en développement qui voient l’émergence d’une classe moyenne qui consomme directement en ligne grâce aux options de livraison étendues et ne va pas en magasin.

Le marché de l’e-commerce est très concentré

On observe, aux États-Unis comme en Chine, le développement de sociétés d’e-commerce incontournables dans un environnement dynamique.
Aux États-Unis, c’est Amazon qui domine avec près de 45% de part de marché en 2018, suivi par un grand nombre de distributeurs physiques dont certains, comme Walmart ou Home Depot, tirent leur épingle du jeu, sans toutefois faire de l’ombre au pure player.
Le marché chinois est quant à lui oligopolistique : en 2018, le géant Alibaba possédait 62% de part de marché, JD.com 19%, et la jeune société Pinduoduo près de 8% du marché.

L’accès aux deux marchés diffère

Aux États-Unis, les solutions d’e-commerce sont bien développées et facilitées. Les marques peuvent proposer la commande en ligne et la livraison via leurs propres sites Internet en s’associant à un transporteur. La rapidité d’exécution et de livraison est privilégiée et est un avantage compétitif de taille, qui a notamment permis à Amazon de consolider sa position.
Le modèle chinois, au contraire, privilégie une agrégation des marques sur les plateformes majeures : les petits commerçants ne possèdent pas de site Internet en propre, mais versent une commission aux plateformes pour profiter de leurs infrastructures, de leur visibilité et de leur expertise en termes de publicité digitale.

Les e-commerçants chinois sont particulièrement agiles

En témoigne leur gestion de l’avènement des réseaux sociaux qui leur a permis l’appropriation d’une base grandissante de consommateurs.
L’exemple de Pinduoduo, créé en 2015, est édifiant. La plateforme est déjà la 2ème application e-commerce chinoise avec 350 millions d’utilisateurs annuels (Amazon en compte 300 millions). Le modèle repose sur le plus grand réseau social chinois : WeChat, qui compte 1,1 milliard d’utilisateurs. Il permet aux acheteurs de bénéficier de réductions importantes s’ils forment des groupes d’achat. Un moyen efficace de les inciter à faire connaître la plateforme et d’attirer de nouveaux consommateurs. Plus le nombre de personnes à acheter le produit est grand, plus le prix baisse.
En comparaison, le potentiel de l’e-commerce social commence tout juste à être exploité aux États-Unis. En mars 2019, Facebook a implémenté l’option d’achat direct sur son réseau populaire Instagram.
Amazon, de son côté, multiplie les partenariats avec les personnalités d’influence.
La Chine dispose du potentiel de rattrapage des villes en développement et des zones rurales, qui sont la nouvelle cible des plateformes e-commerce. Leurs habitants gagnent un meilleur accès à Internet et leurs revenus disponibles augmentent. Or, les nouveaux utilisateurs de l’e-commerce étaient à l’origine de 57% de la croissance des ventes de détail chinoises en 2018. L’expansion de la classe moyenne va donc tirer la croissance de l’e-commerce chinois dans le futur, ce dont ne bénéficient pas les États-Unis.

Des plateformes d’e-commerce incontournables

Pour les entreprises occidentales, les plateformes d’e-commerce sont un passage obligé pour bénéficier de la bonne santé de la consommation chinoise. Elles permettent d’accéder aux marchés qui se développent le plus et pallient le manque de connaissance du consommateur et les difficultés d’exécution.
Pour la société américaine Estée Lauder par exemple, le digital représente 30% des ventes en Chine et la moyenne d’âge des clientes est de 30 ans. Le groupe a accès à 300 millions de consommateurs via les réseaux ociaux, et 600 millions via la plateforme e-commerce d’Alibaba. Les marques d’Estée Lauder sont actuellement physiquement présentes dans 120 villes; mais elles sont également accessibles dans plus de 500 villes en développement grâce aux services de livraison des plateformes.