D’après l’OCDE, le taux des prélèvements obligatoires pour l’Union Européenne est de 40% alors qu’il n’est que de 24,5% pour les États-Unis.

Comment ce niveau de taux peut-il impacter la croissance européenne ?
La crise de la Covid marquerait-elle le triomphe du modèle économique américain ?

Un dispositif de dépenses sociales renforcé en Europe

L’Europe, face à la crise de la Covid-19 a renforcé son dispositif de dépenses sociales qui était déjà de plus de 40% en 2019 à comparer aux 20,5% pour la moyenne de l’OCDE. Une redistribution donc sans équivalent qui permet de faire baisser l’écart entre les plus riches et les plus démunis. Cette bienveillance a une traduction immédiate en termes de dette publique puisque celle-ci est passée de 79% du PIB en 2019 à 100% en 2020 et certainement 115% cette année.

D’après les derniers chiffres publiés par l’OCDE, le taux des prélèvements obligatoires pour l’Union Européenne était de 40% alors qu’il n’est que de 24,5% pour les États-Unis. C’est comme si pour courir le 100 mètres, l’Europe était lestée d’un bagage qui fait presque le double de celui des États-Unis.

Une baisse de la croissance structurelle européenne

Cette tendance à l’alourdissement des charges fiscales et sociales s’est accompagnée d’une baisse de la croissance structurelle européenne, de 3,8 % en 1980, celle-ci est désormais inférieure à 1%. Dans le même temps, le poids de l’Union Européenne dans le PIB mondial est passé de plus de 30% à 17%. Le revenu national par habitant en 1980 était du même ordre en France, en Allemagne et aux États-Unis alors qu’aujourd’hui celui des États-Unis est supérieur de plus de 40% à celui de l’Union Européenne.

Ce qui explique que selon les prévisions du FMI pour 2024, les pays de l’Union Européenne ne seront plus que deux à figurer parmi les 10 premières puissances économiques (Allemagne 7ème et la France en 10ème position).

Trop de prélèvements sociaux nuisent à la croissance ?

Ces chiffres auraient tendance à corroborer la position des économistes d’inspiration classique et notamment de l’américain Laffer qui illustre l’idée que les prélèvements sociaux nuisent fortement à la croissance au-delà d’un certain pourcentage. C’est le fameux adage : « trop d’impôts tue l’impôt ».

Cette thèse rejoint sur ce point la théorie économique de Schumpeter, pour qui l’origine de la croissance est dans le dynamisme des entrepreneurs et donc dans l’incitation qu’ils peuvent avoir à prendre des risques et à faire des efforts.

Le résultat unanimement reconnu de cette surimposition est que les entreprises européennes ne disposent pas de fonds propres suffisants. Elles ne peuvent donc pas investir dans les technologies d’avenir indispensables pour améliorer leur compétitivité, sauf à trop s’endetter, ce qui les fragiliserait.

Un véritable rôle d’amortisseur lors de la crise financière de 2008

Mais ces transferts fiscaux et sociaux ont joué un véritable rôle d’amortisseur lors de la crise financière de 2008. Ainsi, entre 2011 et 2016, les transferts publics ont amorti en moyenne 70% des variations annuelles de niveau de vie des personnes d’âge actif.

Ce bouclier protecteur joue davantage pour les plus modestes, dont la situation est plus volatile : les transferts compensent ainsi 80% de la baisse du niveau de vie chez les 10% les moins bien rémunérés. L’effet décroît progressivement au fur et à mesure que le niveau de vie augmente.

Mais il concerne aussi les plus aisés, dans une moindre mesure, en amortissant 20% de la volatilité du niveau de vie chez les 10% les mieux rémunérés. Cela ne semble pas être le cas pour la crise actuelle. En effet si le PIB européen n’a baissé que de -4% en 2009 au pic de la crise de Lehman (-2,5% pour les US), il enregistre en 2020 une baisse de -6,8% contre -3,5% pour les États-Unis.

Le triomphe du modèle économique américain ?

La crise de la Covid marquerait-elle le triomphe du modèle économique américain alliant flexibilité extrême du marché du travail, productivité retrouvée, fiscalité réduite et rapidité de vaccination ? Sans conteste, les mesures budgétaires de soutien ont été – et seront – décisives dans un pays où les amortisseurs sociaux sont bien moins étendus qu’en Europe. Au choc initial du chômage, en hausse brutale au printemps, a succédé une baisse non moins spectaculaire, dès la réouverture des entreprises et des commerces. La distribution de chèques d’aide aux ménages, l’allongement de la durée des allocations chômage, la suspension des expulsions et les aménagements de dettes, ont permis de limiter l’ampleur de la récession. Alors que les choix opérés en Europe (confinement strict, plan de relance de 750 milliards d’euros toujours en attente de ratification...) impliquent un retard grandissant avant de pouvoir retrouver le niveau de richesse de 2019.

Il semble qu’il soit plus facile et plus efficace, face à un choc exogène d’être une seule tête pensante plutôt qu’une union à 27 pays dont les intérêts et les méthodes sont différents. L’Europe ne saurait faire l’économie d’une étude approfondie de la relation entre fiscalité et croissance ainsi que du rôle que joue la fiscalité dans la décision d’investissement et dans le processus d’innovation. S’assurer une place aux côtés et non pas loin derrière les États-Unis et la Chine ne pourra se faire qu’au prix de réformes fiscales afin de restaurer les finances publiques et de renforcer la compétitivité.

par Nadja de Benedit, responsable de la gestion obligataire, au sein de Dubly Transatlantique Gestion.

Achevé de rédiger le 17/05/2021