L’inflation est dans tous les esprits.

Les hausses des coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre sont-elles durables ou passagères ?

2022 rime avec inflation

En ce début d’année 2022, l’inflation est dans tous les esprits. Le pouvoir d’achat a été l’un des thèmes de la campagne présidentielle en France. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine vient rappeler l’importance des matières premières dans l’économie. Les entrepreneurs du bâtiment, de la restauration et de la logistique sont nombreux à déplorer une pénurie de main d’œuvre. Certains industriels, quant à eux, font face à des difficultés d’approvisionnement. Dans les magasins, les listes d’attente pour obtenir certains produits s’allongent.

L’énergie est indispensable

Les économistes expliquent ces phénomènes par la forte reprise mondiale depuis la levée des restrictions sanitaires, par le décalage qui découle entre le temps de la production industrielle et la demande immédiate des consommateurs, par les politiques très accommodantes des banques centrales, etc. Parmi les éléments explicatifs, il y a aussi la hausse des coûts de production et plus particulièrement ceux de l’énergie et de la main d’œuvre.

Bien que les coûts énergétiques représentent une faible part du prix de vente des produits finis, l’énergie est indispensable au bon fonctionnement de l’économie. Sans elle, les usines ne pourraient tourner, les travailleurs ne pourraient se rendre sur leur lieu de travail, les rendements agricoles ne pourraient être maintenus.

Fin d’une énergie bon marché

Depuis une dizaine d’années, l’énergie était plutôt bon marché grâce aux nouvelles techniques d’extraction qui ont permis de produire des hydrocarbures autrefois inexploitables (gaz et pétrole de schistes, forage en eaux profondes, exploitation en arctique). Ainsi, les cours du baril ont oscillé entre 30$ et 60$ entre 2014 et 2020 alors qu’ils étaient supérieurs à 100$ entre 2010 et 2014.
De même, le prix du gaz naturel aux Etats-Unis a été divisé par plus de 3 depuis l’exploitation des gaz de schiste à partir de 2010.

Mais depuis un an, ces prix remontent fortement surtout ceux du gaz naturel. Pourquoi ? Les raisons évoquées par les spécialistes fin d’année 2021 étaient déjà nombreuses : forte demande, opérations de maintenance sur des gazoducs aux Etats-Unis, fin de la production du champ de Groningue au Pays-Bas, faible production d’électricité à partir d’éolienne en raison de la météo, fermeture du gazoduc Maghreb-Europe. En mars 2022, le conflit russo-ukrainien a accentué cette hausse car la Russie est le deuxième producteur de pétrole et de gaz au monde. En effet, les menaces d’embargo sur un producteur aussi important font monter les prix, d’autant plus qu’il est très difficile pour la Russie de rerouter ses exportations de gaz vers l’Asie.

Les énergies alternatives plus chères

A plus long terme, l’indispensable réduction des gaz à effet de serre, cause principale du changement climatique, pourrait faire monter structurellement les coûts de l’énergie. En effet, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’humanité doit, entre autres choses, réduire sa consommation d’énergie fossile (charbon, pétrole et gaz) et augmenter le poids des autres énergies (vent, soleil, eau, biomasse, nucléaire).
Or, ces énergies alternatives représentent encore une part très faible dans la production totale d’énergie, sont souvent intermittentes et plus chères à exploiter.

Évolution du mix énergétique mondial

Evolution du mix énergétique mondial
Source : ourworldindata.org d’après BP statistical review

Vers une inflation des salaires ?

En plus d’énergies, l’économie a également besoin de travailleurs pour fonctionner. Là aussi, les échos du terrain nous montrent qu’il est de plus en plus difficile de recruter. Par exemple, Pascal Daloz, directeur des opérations chez l’éditeur de logiciel Dassault Systèmes a indiqué à Reuters début 2022, qu' il y avait une guerre des talents et qu’il y allait donc avoir une inflation des salaires ».

Ces pénuries de main d’œuvre sont-elles conjoncturelles ou structurelles ?

Certains pensent que ces difficultés ne vont pas durer parce qu’elles sont simplement une conséquence de la pandémie. Par exemple, aux Etats-Unis, beaucoup d’employés ont été contraints de démissionner pour s’occuper d’un enfant ou d’un parent. Ils peuvent donc revenir sur le marché du travail.
Autre raison : l’immigration a été très fortement réduite pendant les deux années de pandémie. Cela a, par exemple, eu des répercussions dans le secteur agricole, où les immigrés représentent une part significative de la main d’œuvre notamment aux Etats-Unis. Cette main d’œuvre pourrait également revenir sur le marché du travail.

D’autres, en revanche, estiment que les pénuries de main-d’œuvre pourraient durer compte tenu de la démographie mondiale.
Aux Etats-Unis, de nombreux employés de plus de 55 ans ont profité des aides gouvernementales et de la bonne performance des marchés financiers pour partir à la retraite plus tôt que prévu. Cela est la conséquence d’un monde qui vieillit. La population de certains pays devrait même diminuer. C’est le cas du Japon, de l’Allemagne et bientôt de la Chine. Partout la population vieillit en raison de la baisse du taux de natalité d’une part et de la hausse de l’espérance de vie d’autres part. Par exemple, en France, l’âge moyen de la population est aujourd’hui d’environ 42 ans contre était de 34 ans en 1990.

Âge moyen de la population par pays

Âge moyen de la population par pays

Des hausses durables ou passagères ?

Les hausses des coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre sont-elles durables ou passagères ? Difficile de répondre précisément à cette question. Quoi qu’il en soit en matière d’investissement, il apparait que les entreprises qui sauront gérer ces deux challenges à court terme pourraient être gagnantes à long terme si les tendances évoquées ci-dessus se poursuivent.
De même, d’un point de vue géographique, certains pays semblent plus avantagés que d’autres. Les Etats-Unis, avec une population en légère croissance, une force de travail stable, une indépendance énergétique et un systèmes universitaire de premier plan semblent mieux armés que d’autres pays européens ou asiatiques.

Achevé de rédiger le 02/05/2022 par Nicolas Levrier, gérant de portefeuilles, au sein de Dubly Transatlantique Gestion.