Alors que la pandémie de Covid-19 prenait une ampleur exponentielle à partir de février 2020, conduisant les États à confiner la population et à mettre brutalement les économies à l’arrêt, les marchés financiers, eux, ont continué à fonctionner normalement.

Comment se définit un marché financier ?
Comment les marchés ont réagi pendant le Covid ?
Quelles sont les différentes phases de cette pandémie ?

Le marché financier se définit comme le lieu de rencontre entre les agents à besoin de financement et les agents à capacité de financement

Les excédents des premiers financent les besoins des seconds. Deux canaux lient ces deux agents économiques, à savoir une relation intermédiée et une relation directe.

Dans le premier schéma, les banques émettent des crédits et collectent des dépôts, dans l’autre, les agents accèdent directement aux marchés monétaires et financiers. En outre, il offre la possibilité aux États d’accéder à l’épargne pour financer leurs investissements et leur endettement. On parle dans ce cas précis de marché primaire. Les assureurs recourent également au marché financier, notamment pour couvrir les indemnisations qu’ils versent à leurs assurés en cas de sinistre. Les caisses de retraite l’utilisent quant à elles pour placer les primes qu’elles encaissent afin de reverser les pensions dues.

Au sein de nos économies libérales, il représente un pilier central. Si le marché ne fonctionne pas, c’est toute l’économie qui s’arrête. Il est enfin le baromètre de l’économie et permet aux acteurs d’apprécier le climat des affaires même si, parfois, il semble totalement déconnecté de l’état de l’économie réelle. Les agents parlent alors de bulle spéculative. Ne dit-on pas d’ailleurs dans ce cas précis que « c’est dans le ciel bleu qu’éclatent les orages » ?

Comment les marchés ont réagi pendant la pandémie ?

Alors que la pandémie de Covid-19 prenait une ampleur exponentielle à partir de février 2020, conduisant les États à confiner la population et à mettre brutalement les économies à l’arrêt, les marchés financiers, eux, ont continué à fonctionner normalement. Les négociations de valeurs mobilières se sont poursuivies et la possibilité d’échanger des liquidités contre des titres de propriété – les actions – et des titres de dette – les obligations – n’a pas souffert d’interruption.

Une étude de la Banque Centrale canadienne revient sur cette séquence si particulière et distingue trois phases. Dans un premier temps, de fin février à début mars 2020, le monde assiste à la propagation du virus et constate les premiers décès européens en Lombardie. Au cours de cette période, les marchés fonctionnent parfaitement : les actifs les plus volatils et les plus liquides – à savoir les actions – se déprécient face à une incertitude grandissante. Le marché obligataire joue alors son rôle de valeur refuge. Le 9 mars, la dette fédérale allemande – le Bund – atteint son plus bas historique en termes de taux à -0,86%. Quelques jours plus tard, celle des États-Unis – les Treasuries – tutoie les 0,50%.

Dans un deuxième temps, soit du 9 au 20 mars, les États mettent progressivement en place les mesures de confinement, signant de facto la cessation de toute activité nécessitant une interaction physique : les écoles ferment, les institutions culturelles baissent leur rideau, les transports s’arrêtent, le commerce est mis sous cloche. Ce saut dans l’inconnu conduit les marchés financiers à dévisser rapidement. Dès lors, c’est l’ensemble des actifs qui craque. Le taux de la rémunération de la dette à 10 ans italienne est multiplié par 2,5 et passe de 1% à 2,5% en dix jours. Aux États-Unis, l’indice boursier VIX, surnommé à juste titre l’indice de la peur, puisqu’il mesure la nervosité des opérateurs sur les marchés, est propulsé à des sommets. Il faut revenir à la crise financière de 2008 pour trouver des niveaux plus élevés. L’effondrement de la valorisation de l’ensemble des actifs financiers est aggravé par l’incapacité des États membres de l’OPEP + à statuer quant au maintien des volumes de production de pétrole. Le 9 mars, le baril américain WTI plonge de 20%, sa pire dépréciation depuis la première guerre du Golfe en 1991. Pour autant, les marchés financiers continuent de fonctionner et les valeurs mobilières de s’échanger. A aucun moment les mécanismes de règlement – livraison ne se trouvent mis en difficulté majeure.

Dans une dernière phase, l’intervention des banques centrales au travers de programmes exceptionnels (TLTRO III ou PEPP côté BCE) apporte les liquidités nécessaires à un assouplissement des tensions. En abattant leur carte de prêteur en dernier ressort, elles permettent une revalorisation progressive des actifs financiers, notamment des obligations d’État, entraînant dans son sillage une remontée de l’ensemble des classes d’actifs.

Comment expliquer une résilience si spécifique ?

Qu’il s’agisse du Pont au Change édifié au cœur de Paris au XIIème siècle ou de la maison de la famille Van Der Beurse à Bruges, et dont le patronyme qualifie aujourd’hui le lieu d’échange des actifs, les premières places financières se caractérisent par un échange physique, dans la continuité des grandes foires médiévales. L’enracinement des conflits en Europe aux XVIème et XVIIème siècles, combiné à l’intensification des échanges, conduisent les argentiers de l’époque à innover et à dématérialiser leurs relations et leur mode de règlement. On assiste alors à la naissance de la lettre de change, des effets de commerce et du billet à ordre.

En 1602, on note la première introduction en bourse de l’Histoire par émission d’actions et d’obligations « papiers » lors de la création de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Amsterdam. La ville est alors la capitale mondiale du commerce. Dès 1611, seuls les titres se négocient sur la place du Dam. Les marchandises ont physiquement disparu. A l’inverse, dès que la puissance publique a souhaité cesser l’activité de la Bourse, cela s’est traduit par une désorganisation rapide de l’économie. Sous la Révolution Française, puis sous le Directoire, l’autorité publique pensait lutter contre l’agiotage et la spéculation en fermant la Bourse de Paris (décret du 27 juin 1793 sous la Terreur, arrêté du Directoire exécutif du 11 décembre 1795 ensuite). Le remède s’avéra plus douloureux que le mal lui-même, conduisant les agioteurs à poursuivre leur activité hors-les-murs. S’ensuivit également une inflation galopante. Plus qu’une simple mise à l’arrêt, c’est bien un encadrement plus ferme et formalisé qu’exigeaient les échanges de valeurs mobilières. La réforme du système monétaire en 1796 qui conduisit à supplanter le papier-monnaie par le numéraire métallique fut la première pierre de cet édifice. La loi du 9 septembre 1807, promulguée le 20 de la même année, crée à cette fin le statut d’agent de change. Elle stipule que « les agents de change (...) ont seuls le droit de faire les négociations des effets publics et autres susceptibles d’être cotés ; de faire pour le compte d’autrui les négociations des lettres de change et billets, et de tous les papiers commerçables et d’en constater le cours ».

Plus proche de nous, le  septembre 2001 représente un virage majeur dans le fonctionnement des transactions financières. L’effondrement du World Trade Center au cœur de Wall Street à Manhattan contraint la Bourse de New York à interrompre les échanges pendant quatre jours. La disparition instantanée de la maison de courtage Cantor Fitzgerald sise dans l’une des deux tours jumelles et acteur quasi-systémique du marché obligataire signe la mise à l’arrêt des négociations sur les marchés de taux. De cet événement, les opérateurs ont tiré les leçons en constituant des centres de repli performants loin des grands poumons financiers de la planète par exemple.

Enfin, la crise financière de 2008, puis la crise de la dette souveraine en zone euro en 2011 et 2012 ont poussé les régulateurs à exiger des établissements de crédit de renforcer leur structure bilancielle pour mieux amortir les grands chocs. Ainsi, entre fin septembre 2008 et septembre 2021, le ratio CET1 (qui mesure la solvabilité des acteurs au sein du secteur bancaire) des six plus grandes banques françaises a été multiplié par 3, passant de 5,8% à 15,3%. En 2015, le Comité de Bâle qui supervise le système financier de 27 États a instauré le ratio de liquidité à court terme dit LCR afin de renforcer la résilience du secteur en cas de choc exceptionnel.

Toutes ces évolutions de nature règlementaire ou purement organisationnelle ont permis d’assurer la poursuite des échanges d’actifs financiers. D’autres marchés, moins liquides et non dématérialisés n’ont pas connu le même sort. Céder une action d’une société cotée au CAC40 contre paiement a toujours été possible – même au pire moment de cette crise. Peut-on en dire autant des biens immobiliers par exemple ? La forte volatilité des actifs financiers est le prix à payer pour l’obtention de leur liquidité. Fort de cet atout, l’investisseur peut affronter les périodes les plus incertaines. Il sait qu’il aura toujours la possibilité de se défaire rapidement et certainement d’une valeur mobilière. Quel autre produit d’investissement peut en dire autant ?

Achevé de rédiger le 16/02/2023 par Pierre Carpentier.

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