Les entreprises sont amenées à évoluer dans un contexte nouveau où le coût élevé de l’argent s’ajoute au coût élevé de l’énergie.

Comment la hausse des taux impacte les entreprises ?
Qui sont les « gagnants » et les « perdants » ?

Face à une inflation galopante, le mouvement de hausse des taux initié par les banques centrales en 2022 est d’une ampleur jamais connue depuis 40 ans. Ainsi, la FED a fait grimper ses taux directeurs de 0,25% en mars 2022 à 5,50% en septembre 2023, et une nouvelle hausse est attendue d’ici la fin d’année, alors que l’endettement des entreprises atteint des niveaux records (près de 7 800 mds de dollars pour les 933 plus grandes entreprises mondiales au 01/06/2023 selon une étude de Janus Henderson). Les entreprises sont donc amenées à évoluer dans un contexte nouveau, inédit pour la plupart de leurs dirigeants, où le coût élevé de l’argent s’ajoute au coût élevé de l’énergie.

Les entreprises qui se sont lourdement endettées à l’époque de l’argent « gratuit » sont, bien évidemment, les plus sensibles à la remontée des taux. Leurs coûts financiers s’alourdissent d’autant plus vite que la partie à taux variable de leur dette est importante et que les maturités sont courtes (remboursement dans un délai court). D’autres facteurs que le niveau d’endettement et la structure de la dette sont à prendre en compte. L’impact de la remontée des taux sur les entreprises peut dépendre également du secteur d’activité, du modèle économique ou encore de la taille de l’entreprise. Certaines entreprises sont d’ailleurs capables de s’adapter à cette nouvelle donne.

Les « perdants » : les entreprises fragiles et/ou dont l’activité est basée sur le recours à la dette devraient être les 1ères victimes

Le secteur de l’immobilier traverse déjà dans certaines régions du monde une crise sévère. Le poids lourd de l’immobilier commercial Unibail-Rodamco-Westfield a ainsi été particulièrement touché aux Etats-Unis où les revenus issus de ses centres commerciaux ont fortement baissé alors que la charge d’endettement du groupe ne cesse de progresser. Dans le secteur des énergies renouvelables, le cas d’Orsted, le géant de l’éolien en mer, est un autre exemple marquant. L’entreprise danoise qui finance ses grands projets principalement par la levée de dette s’est retrouvée en difficulté aux USA où, face à ses contrats d’électricité négociés à prix fixe, elle a vu ses coûts financiers exploser.

Dans un tout autre registre, la banque californienne SVB, spécialisée dans le crédit aux start-up, avait investi massivement dans des obligations dont la valeur a diminué avec la remontée des taux. L’établissement financier s’est retrouvé contraint de vendre ces obligations dans l’urgence à un prix largement inférieur au prix d’achat générant ainsi des moins-values qui se sont traduites par une perte de 1,8 mds de dollars en quelques jours. La banque a dû réaliser une augmentation de capital provoquant la panique chez ses clients qui ont massivement retiré leurs avoirs ce qui a conduit à sa faillite en mars 2022… Ainsi, dans ce cas de figure, la remontée des taux d’intérêt qui était généralement perçue comme une bonne nouvelle pour le secteur bancaire, car synonyme de l’accroissement de la marge d’intérêt (intérêts sur les crédits accordés - intérêts sur les dépôts), s’est finalement transformée en « mauvaise nouvelle » pour les « petites » banques régionales américaines. D’autant plus que ces dernières évoluent désormais dans un environnement plus concurrentiel où leurs clients attendent donc une rémunération plus importante de leur dépôt. Ces difficultés expliquent certainement la baisse de près de 45% depuis le début de l’année 2022 de l’indice bancaire américain « KBW Nasdaq Bank ».

Outre un endettement lourd, ces exemples possèdent un point commun : une certaine fragilité sur le plan opérationnel qui se traduit par une activité insuffisamment diversifiée, des marges étroites et une incapacité à répercuter la hausse des coûts sur les clients finaux (faible pricing power) avec une capacité limitée d’innovation.

Les « gagnants » : les grands leaders mondiaux dans leur domaine d’activité

A l’inverse, les grandes sociétés technologiques semblent être bien armées pour traverser la période de taux désormais plus élevés. Alphabet, la maison mère de Google, enregistre dans son dernier bilan une trésorerie nette (dette - trésorerie au bilan) de 99 mds de dollars ! Elle se chiffre à 64 mds de dollars pour Microsoft, à 60 mds de dollars pour Apple, à 2,4 mds de dollars pour Nvidia… Il en est de même pour les grandes sociétés du luxe : Hermès présente une trésorerie nette d’endettement de 9 mds d’euros et LVMH affiche 11,7 mds d’euros de dette nette (dette - trésorerie) dans son bilan remboursable en près de 6 mois de free cash-flow générés.

Les belles performances sur le plan financier de ces sociétés résident dans un modèle économique performant qui se caractérise par : une position de leader avec une forte croissance d’activité, des marges confortables avec la faculté d’augmenter les prix (pricing power), de l’innovation et un management de qualité.

Néanmoins, sur le plan boursier, la hausse des taux fait généralement baisser le cours des titres de ces sociétés comme d’ailleurs de l’ensemble du marché « actions ». En effet, la remontée des taux interroge l’investisseur qui peut être attiré par d’autres classes d’actifs comme les nouvelles obligations émises, dont le rendement devient plus intéressant. Une tendance à la vente des actions est alors relevée, ce qui provoque la baisse de leur cours et, a fortiori, de la valorisation boursière des sociétés concernées (baisse des ratios « cours/bénéfices »). Cela ne remet pas en cause les fondamentaux des sociétés évoquées ci-dessus mais créé davantage de volatilité dans l’évolution de leur cours de bourse.

Pour conclure, la remontée des taux a un effet amplificateur pour les entreprises déjà fragiles. Leurs difficultés sont amenées à croître davantage. Elle ne devrait pas affecter les grandes entreprises en bonne santé qui pourraient même tirer profit de la situation par exemple en rachetant à meilleur prix des sociétés visées dans leur stratégie de croissance externe, ou encore en plaçant leur trésorerie à des taux plus élevés.

Achevé de rédiger le 12/10/2023 par Khalid El Fatouhi et Jean-Francois Karbowy, gérants de portefeuilles.

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