En 40 ans, l’Empire du Milieu s’est totalement transformé passant du statut d’atelier du monde à celui de la deuxième puissance économique mondiale.

Pékin ne compte pas s’arrêter en si bon chemin mais doit faire face à des obstacles tant au niveau international que national.

La Chine, une grande puissance qui compte

Très récemment, une nouvelle marque de luxe s’est installée sur l’une des plus illustres avenues du Triangle d’or parisien, aux côtés des maisons françaises et italiennes les plus prestigieuses. Icicle – tel est son nom – a choisi Paris pour implanter son vaisseau amiral qui n’a rien à envier aux boutiques de Shanghai, Pékin ou Nankin.

La Chine, premier marché mondial du luxe, entend bien développer sa propre industrie dans ce secteur et ne pas se contenter d’une position de consommatrice.

Cet événement, aussi mineur soit-il à l’échelle des grands enjeux géopolitiques mondiaux, témoigne cependant de la nouvelle phase dans laquelle est entrée la Chine en 2020 dans le jeu des grandes puissances.

La première puissance économique mondiale en 2035 ?

En 40 ans, et suite à la politique d’ouverture au monde menée par Deng Xiaoping à partir de la fin des années 70, l’Empire du Milieu s’est totalement transformé passant du statut d’atelier du monde à celui de la deuxième puissance économique mondiale.

En 2001, lorsque la Chine intègre l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), elle génère un PIB annuel sept fois inférieur à celui des États-Unis.

En 20 ans toutefois, celui-ci a décuplé là où celui des États-Unis n’a « que » doublé. Et Pékin ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Xi Jinping qui tient le pouvoir politique et économique d’une main de fer a pour objectif de doubler le PIB chinois à horizon 2035, propulsant alors la Chine au rang de première puissance économique mondiale.

Les États occidentaux mettent en place des mesures protectionnistes

Cette conduite à marche forcée ne se fait pas sans heurt. En 2016, l’acquisition de la firme allemande Kuka, leader allemand de la production de robots d’assemblage – par le groupe chinois Midea – a sonné comme un coup de semonce au sein des pays occidentaux. La Chine n’était plus un simple pays manufacturier.

Sur la même période, elle a par ailleurs pu parfaitement s’insérer dans la révolution numérique et digitale en cours. Aujourd’hui, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) américaines côtoient les BATX (Baïdu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) chinoises.

Face à cette expansion rapide et puissante, les États occidentaux ont choisi de mettre en place des mesures protectionnistes, Donald Trump ayant été le fer de lance de cette nouvelle doctrine économique. D’autres États ont, sous des formes différentes, adopté des dispositifs équivalents. L’Allemagne a mis en place une règlementation visant à bloquer certaines acquisitions et la fuite de technologies qui en découlerait.

La guerre à la première place se joue sur le champ commercial. L’équipementier en télécommunications Huaweï affronte des réticences voire des interdictions d’opérer dans la plupart des États occidentaux dans le cadre du déploiement de leurs réseaux 5G.

La Chine se tourne vers ses voisins asiatiques et d’Océanie

Mais Pékin compte avancer. Actant de la multiplication des barrières en Europe et aux États-Unis, elle se tourne vers ses voisins asiatiques et d’Océanie. Le 15 novembre dernier, elle a signé avec quatorze autres États, dont tous les membres de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est Asiatiques) un gigantesque accord commercial, le RCEP (Partenariat Régional Économique Global). Il s’agit du plus grand accord de cette nature et représente un ensemble géographique produisant 30% du PIB mondial.

En parallèle des négociations engagées dès 2012 pour la signature du RCEP, la Chine poursuit son immense chantier d’infrastructures à l’échelle internationale dans le cadre du programme des Nouvelles Routes de la Soie. Ce projet vise à bâtir des réseaux ferroviaires mais aussi des installations portuaires pour mieux connecter l’Empire du Milieu à l’Eurasie et à l’Afrique.

La nouvelle administration fédérale américaine maintiendra le bras de fer engagé par Donald Trump dans la relation diplomatique entre Washington et Pékin. La signature du RCEP devrait quant à elle aider au rapprochement transatlantique sur la question de l’attitude à adopter face à la Chine.

Des obstacles aussi au niveau national

S’il y a des obstacles à la montée en puissance irrépressible de la Chine à l’international, celle-ci doit faire face à des vents contraires importants également au niveau national. Sa structure démographique et ses dynamiques constituent un risque majeur. Les hypothèses de pénurie de main-d’œuvre sont à considérer à moyen terme.

Par ailleurs, le poids des plus âgés dans la population pose le sujet du financement des retraites et de la dépendance. La part des plus de 65 ans passerait de 10% en 2016 à 18% en 2030 puis 25% en 2050. La population en âge de travailler diminue depuis 2012.


La pyramide des âges en Chine

Graphique Pyramide des âges en Chine
Graphique Pyramide des générations

Source : Financial Times. En filigrane, la pyramide en 1960

Des méthodes qui pourraient aiguiser la méfiance des investisseurs internationaux

Enfin, l’ère ouverte par Xi Jinping en 2013 se traduit aussi par un renforcement de l’autoritarisme et de la volonté de contrôle de la société civile et des entreprises. La reprise en main de Hong-Kong par la force ou la mise en camps d’internement des Ouïghours dans la province du Xinjiang sont d’ailleurs des arguments sur lesquels s’appuient l’Europe et les États-Unis pour prendre des mesures restrictives. Pékin exerce le même pouvoir de répression sur ses entreprises.

Il y a quelques mois, les autorités ont bloqué l’introduction en bourse de la firme de services financiers Ant, filiale du géant du commerce en ligne Alibaba. Dans le même temps, Jack Ma, Président fondateur de cette entreprise n’a plus été vu avant de subitement réapparaître mi-janvier, alors que nous rédigions ces lignes. Ces méthodes pourraient d’ailleurs aiguiser la méfiance des investisseurs internationaux si elles venaient à se multiplier.

Sans oublier la question environnementale

Les obstacles qu’affronte la Chine dans son développement sont donc nombreux. S’y ajoutent en dernier lieu la question environnementale due aux volumes des émissions de gaz à effets de serre et aux gigantesques besoins en matières premières et agricoles du pays. Le RCEP ne contient d’ailleurs aucun élément de langage sur cette question. Pékin doit donc innover afin de répondre à ces enjeux.

Les investissements en cours dans les énergies renouvelables et dans la mobilité électrique témoignent de leur prise en compte par les autorités. En transformant ces menaces en défis à relever, l’Empire du Milieu s’offre en outre les acteurs et les compétences nécessaires pour poursuivre le combat commercial sur la scène mondiale et obtenir la place tant désirée.

Achevé de rédiger le 29/01/2021
par Pierre Carpentier, directeur des gestions chez Dubly Transatlantique Gestion