Le statut d’entreprise à mission constitue une véritable évolution puisqu’il n’implique plus de remédier aux conséquences dommageables d’une activité, ni même à les prévenir, mais de contribuer activement à l’amélioration d’un environnement général, au-delà de l’intérêt propre de l’entreprise.

RSE, « raison d’être » et « entreprise à mission »

La loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) promulguée le 22 mai 2019 a consacré en droit français la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) par un triple mécanisme graduel :

  • elle impose désormais à l’ensemble des sociétés le respect de la RSE,
  • elle leur permet de surcroît de se doter dans leurs statuts d’une « raison d’être »,
  • elle crée enfin un nouveau régime dit d’« entreprise à mission » visant à activement énoncer la finalité d’intérêt collectif qu’une entreprise entend poursuivre et les moyens dont elle se dote à cette fin.

Comme toute critique, il serait aisé de dénigrer cette dernière catégorie : instable juridiquement, la notion d’entreprise à mission introduit un nouveau statut juridique, difficilement contrôlable ; elle ouvre indéniablement une large porte à un affichage de vertu (le fameux « greenwashing »), aux antipodes du souhait du législateur.

Il nous semble cependant plus intéressant d’examiner ce statut pour ce qu’il apporte en ce qu’il réconcilie l’entreprise et ses contemporains, formalise une prise de conscience environnementale et sociétale, concrétise l’Affectio Societatis et enfin, aligne l’identité des investisseurs tels que nous le sommes avec les entreprises en portefeuille.

Une responsabilité précédemment dévolue à la puissance publique

Compte tenu des moyens qu’elle suppose (réflexion sur la mission, modalités du suivi de son exécution, vérification par un organisme tiers indépendant) l’adoption du statut d’entreprise à mission concerne principalement, dans l’esprit du législateur, les entreprises d’une taille certaine. Ce faisant, on peut considérer que ce statut incite ainsi la « grande entreprise » à faire sur une échelle mondiale ce que celle de taille moindre effectue naturellement à la sienne : implantée dans un territoire, identifiée dans un bassin d’emploi, elle assume fréquemment vis-à-vis de ses parties prenantes son rôle environnemental et sociétal.

En adoptant une mission, les entreprises qui optent pour ce statut acceptent ainsi désormais de prendre une part de la responsabilité précédemment dévolue à la puissance publique - car touchant l’intérêt général - et d’être jugées publiquement à l’aune des réalisations qu’elles y auront accomplies. Certes, les entreprises s’étaient emparées du sujet de la RSE bien avant la loi PACTE, par conviction ou par intérêt. Cela fait déjà plusieurs années que l’on n’oppose plus RSE à performance, ne serait-ce que par l’incidence réputationnelle et financière qu’engendrent les controverses, et il est acquis qu’une maîtrise de la RSE permet à tout le moins celle d’une partie des risques.

Pour autant, le statut d’entreprise à mission constitue une véritable évolution puisqu’il n’implique plus de remédier aux conséquences dommageables d’une activité, ni même à les prévenir, mais de contribuer activement à l’amélioration d’un environnement général, au-delà de l’intérêt propre de l’entreprise.

La mission sociétale ou environnementale s’inscrit dans le long terme

Au-delà de cet alignement avec les considérations sociétales et environnementales, la définition de la mission de l’entreprise résonne avec celle que peut se donner l’investisseur – et en particulier celle dont s’est toujours inspiré Dubly Transatlantique Gestion, qui s’est dotée d’une raison d’être, et qui se retrouve dans la mission dont s’est doté le Crédit Mutuel Alliance Fédérale « Ensemble, écouter et agir ».

Tout d’abord dans la durée : par hypothèse, la mission sociétale ou environnementale s’inscrit dans le long terme ; l’investissement de Dubly Transatlantique Gestion également, en ce qu’il vise à s’associer avec des sociétés dans la durée, par une gestion éloignée d’arbitrages court termistes. Il ne s’agit certainement pas là de critiquer l’investissement de court terme, entièrement légitime et servant notamment la liquidité du marché ; cependant, en se dotant d’une mission, l’entreprise affiche qu’elle servira aussi des objectifs de long terme et qu’ils peuvent ne pas coïncider avec une recherche immédiate de profit ou de valeur. Les entreprises le faisaient déjà, notamment dans leurs investissements de recherche et développement ; elles peuvent désormais aussi le déployer dans des investissements ne servant pas directement un objectif de profit.

Pour sa part, Dubly Transatlantique Gestion inscrit sa sélection de valeurs dans une gestion de conviction, privilégiant des valeurs fortes dans leur stratégie commerciale et financière et dont il comprend l’engagement. Givaudan, une de nos valeurs Vademecum et l’un des leaders du marché des ingrédients en alimentaire et parfumerie, en est un exemple.

Givaudan a en effet annoncé en juillet son intention d’adopter la certification nord-américaine exigeante de B Corp. En août, l’entreprise a ainsi rejoint le B Movement Builders aux côtés de Bonduelle, Magalu et Gerdau (des entreprises cotées en bourse avec plus d’un milliard de dollars de revenus) ; cette coalition permet une émulation et une collaboration entre ses membres dans le cadre de l’établissement d’objectifs de transformation durable et de collaboration et accélération dans l’adoption de changements globaux en termes de développement durable. Déjà reconnue pour ses actions pour l’environnement par plusieurs prix, Givaudan ajouterait à son palmarès une certification de qualité, appuyant ainsi son engagement envers une croissance durable.

L’entreprise choisit d’être jugée sur des critères extra-financiers

Enfin, la mission implique un courage managérial : en optant pour un statut optionnel, l’entreprise choisit d’être jugée sur des critères extra-financiers. C’est également le pas que franchit Dubly Transatlantique Gestion cette année en adhérant aux Principes d’Investissement Responsable (PRI) des Nations Unies et en se soumettant ainsi volontairement au respect de critères extra-financiers exigeants.

Jean-Dominique Sénard, co-rédacteur avec Nicole Notat du rapport de 2018 commandé par le gouvernement et à l’origine de ces dispositions de la loi PACTE, disait : « Il n’y aura pas d’entreprise responsable en Europe s’il n’y a pas d’investisseur responsable ». Poursuivons ensemble notre mission d’investisseur responsable, aux côtés d’entreprises dont nous partageons les valeurs.

Par Dubly Transatlantique Gestion : Charlotte Tasso, secrétaire générale ; Béryl Courcoux, gérante de portefeuilles ; Valentine Rousseau, analyste actions

Achevé de rédiger le 29/01/2021